Engag\u00e9e aupr\u00e8s des jeunes radicalis\u00e9s de Tripoli pour la coh\u00e9sion sociale et l\u2019\u00e9galit\u00e9 des droits, l\u2019association utilise l\u2019art comme outil de r\u00e9conciliation.<\/strong><\/p>\n\n\n\n Rencontre avec sa fondatrice, L\u00e9a Baroudi. <\/strong><\/p>\n\n\n\n Vous avez d\u2019abord \u00e9t\u00e9 consultante \u00e0 Beyrouth, qu\u2019est-ce qui vous a pouss\u00e9 \u00e0 quitter cette vie pour partir \u00e0 Tripoli et cr\u00e9er MARCH ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n En effet, je viens d\u2019un environnement totalement diff\u00e9rent. J\u2019ai obtenu une licence en gestion \u00e0 l\u2019Universit\u00e9 am\u00e9ricaine de Beyrouth et un Master \u00e0 HEC : je me destinais \u00e0 une carri\u00e8re de consultante. <\/p>\n\n\n\n A l\u2019universit\u00e9, j\u2019ai commenc\u00e9 \u00e0 r\u00e9aliser que le Liban avait h\u00e9rit\u00e9 des divisions sectaires de la guerre, m\u00eame la nouvelle g\u00e9n\u00e9ration. En prenant conscience de ce probl\u00e8me, j\u2019ai d\u00e9cid\u00e9 de passer un dipl\u00f4me de m\u00e9diation. <\/p>\n\n\n\n J\u2019ai toujours cru en l\u2019utilisation de l\u2019art et la culture comme un outil pour rassembler. J\u2019ai donc eu envie d\u2019essayer une m\u00e9thode non-conventionnelle de la m\u00e9diation : me servir du th\u00e9\u00e2tre pour r\u00e9soudre les conflits. <\/p>\n\n\n\n A l\u2019\u00e9poque, \u00e0 Tripoli, les quartiers sunnites de Beb El Tabbaneh et alaouite de Jabal Mohsen s\u2019affrontaient : c\u2019est l\u00e0-bas que tout a commenc\u00e9. Bien entendu, beaucoup ont voulu me d\u00e9courager : \u00ab Tu ne peux pas changer les choses ! M\u00eame un homme ne r\u00e9ussirait pas ! \u00bb. Mais j\u2019\u00e9tais d\u00e9termin\u00e9e !<\/p>\n\n\n\n Comment avez-vous convaincu les jeunes combattants des quartiers marginalis\u00e9s de Tripoli de vous suivre dans ce projet collectif ? \u00c9tait-ce difficile en tant que femme ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n \u00c7a a \u00e9t\u00e9 tr\u00e8s difficile. \u00c7a m\u2019a pris un an de convaincre quelqu\u2019un de financer mon projet. Personne ne pensait que \u00e7a aboutirait. Puis j\u2019ai d\u00fb faire six mois d\u2019aller-retours \u00e0 Tripoli pour convaincre les communaut\u00e9s de me donner acc\u00e8s \u00e0 ces jeunes. Personne ne me prenait au s\u00e9rieux, ils trouvaient l\u2019id\u00e9e ridicule. Ils ont fini par accepter par curiosit\u00e9. Quand ils venaient, ils venaient arm\u00e9s : ils se consid\u00e9raient comme des ennemis jur\u00e9s. J\u2019ai finalement r\u00e9ussi \u00e0 les faire parler de leur histoire, de leur vie. Ils ont alors r\u00e9alis\u00e9 qu\u2019ils avaient beaucoup plus de choses en commun que de choses qui les diff\u00e9renciaient. Ils vivaient les m\u00eames difficult\u00e9s, les m\u00eames injustices, ils avaient les m\u00eames r\u00eaves. C\u2019est ainsi que des amiti\u00e9s ont commenc\u00e9 \u00e0 se former.<\/p>\n\n\n\n Je pense qu\u2019\u00eatre une femme m\u2019a aid\u00e9e. Dans ces environnements patriarcaux, l\u2019homme est per\u00e7u comme un rival. Etre une femme \u00e9tait un atout : les hommes ont plus tendance \u00e0 montrer leurs faiblesses, \u00e0 s\u2019ouvrir \u00e0 nous. Ces jeunes avaient besoin que quelqu\u2019un les \u00e9coute, les entende, les comprenne. Bien plus tard, un groupe de jeunes m\u2019a dit que si j\u2019avais \u00e9t\u00e9 un homme, le projet n\u2019aurait jamais eu lieu. <\/p>\n\n\n\n Comment expliquez-vous que l\u2019art soit un moyen de r\u00e9conciliation, de r\u00e9union ? Est-ce exclusivement le th\u00e9\u00e2tre qui porte ce r\u00f4le selon vous, ou toutes les formes d\u2019art ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Pour moi, toutes les formes d\u2019art sont des moyens de r\u00e9conciliation : elles sont cathartiques. Mais le th\u00e9\u00e2tre en particulier permet de communiquer : il y a dans le th\u00e9\u00e2tre une dynamique collective, de groupe. Ce qui est int\u00e9ressant, c\u2019est que les pi\u00e8ces sont inspir\u00e9es de la vie des jeunes de Tripoli. Quand je les regarde, j\u2019ai l\u2019impression qu\u2019ils n\u2019ont jamais autant \u00e9t\u00e9 eux-m\u00eames que sur sc\u00e8ne. <\/p>\n\n\n\n L\u2019art est un espace o\u00f9 l\u2019on se sent en s\u00e9curit\u00e9, o\u00f9 il n\u2019y a pas de jugement. Cela permet de se montrer soi-m\u00eame. Quand ils sont applaudis, ils sont humanis\u00e9s et valoris\u00e9s. <\/p>\n\n\n\n Pensez-vous que la r\u00e9conciliation sur le long terme est possible au Liban ? <\/strong><\/p>\n\n\n\n Bien s\u00fbr, j\u2019en suis convaincue. Si la r\u00e9conciliation n\u2019a pas \u00e9t\u00e9 possible jusqu\u2019\u00e0 aujourd\u2019hui, c\u2019est qu\u2019il n\u2019y a pas eu vraiment de volont\u00e9 et d\u2019effort au niveau national, et cela pour deux raisons. D\u2019abord, il y a la peur de l\u2019autre : m\u00eame si le Liban est un petit pays, chacun reste cantonn\u00e9 dans sa r\u00e9gion, sans conna\u00eetre l\u2019autre. On n\u2019a jamais fait l\u2019effort de d\u00e9passer nos pr\u00e9jug\u00e9s, de b\u00e2tir des ponts : par exemple \u00e0 travers l\u2019art, le travail, la culture. <\/p>\n\n\n\n Il y a aussi la marginalisation d\u2019une grande partie de la population. Priv\u00e9e du sentiment d\u2019appartenir au Liban, elle se tourne in\u00e9vitablement vers d\u2019autres appartenances : sectaire, id\u00e9ologique, r\u00e9gionale. <\/p>\n\n\n\n L\u2019exclusion, l\u2019injustice, le d\u00e9sir d\u2019appartenance et le manque d\u2019espoir sont des sentiments qui cr\u00e9ent les conflits bien plus que la pauvret\u00e9 en tant que telle. C\u2019est un probl\u00e8me essentiel \u00e0 r\u00e9soudre au Liban aujourd\u2019hui. Il faut que tout le monde se sente inclus, \u00e9cout\u00e9, \u00e9gal. <\/p>\n\n\n\n Que repr\u00e9sente pour vous l\u2019obtention du Prix \u00ab For Peacebuilding and Prevention of Conflicts in Lebanon \u00bb qui vous est d\u00e9cern\u00e9 par <\/strong>La Fondation Ghazal<\/strong><\/em> ?<\/strong><\/p>\n\n\n\n Je le ressens comme une vraie r\u00e9compense apr\u00e8s un challenge extr\u00eamement difficile qui nous a demand\u00e9 beaucoup d\u2019\u00e9nergie et de r\u00e9silience. Des choses ont march\u00e9, d\u2019autres moins, certaines ont \u00e9t\u00e9 sabot\u00e9es. Pendant huit ans, \u00e7a a \u00e9t\u00e9 les montagnes russes, mais nous y avons cru ! <\/p>\n\n\n\n Ce sont ces jeunes, chang\u00e9s et \u00e9panouis, fiers d\u2019avoir particip\u00e9 \u00e0 ce projet, qui nous donnent l\u2019\u00e9nergie et la motivation de continuer. Ce prix est pour eux. <\/p>\n\n\n\n![\"\"](\"https:\/\/www.marchlebanon.org\/wp-content\/uploads\/2022\/12\/Fondation-Ghazal-Prize_31-1024x683.jpg\")
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